On attendait beaucoup de la réforme territoriale engagée, ces derniers mois, par le gouvernement français. Ce devait être une nouvelle étape vers plus de décentralisation, et la traduction d’une volonté de simplifications des niveaux de compétences, dont la complexité et les recoupements entre communes, départements et régions étaient mal compris par les citoyens.
La manière dont le débat a été engagé est paradoxale. Avant d’aborder la question des compétences, le gouvernement a en effet choisi de redéfinir la géographie des régions, en supprimant la moitié d’entre elles… sans consulter leurs élus. Confisqués par certains ministères et par le parlement, les arbitrages rendus ont suscité beaucoup de mécontentements. 13 régions métropolitaines au lieu de 22. Ce n’est pas en rendant les régions plus vastes qu’on les rend plus fortes. Le débat sur les moyens financiers dont seront dotées les nouvelles régions a été complètement « squizzé ». On voit mal par ailleurs, comment la désignation par l’Etat, de nouvelles grandes métropoles, destinées à devenir capitales régionales, va contribuer à rapprocher les citoyens des centres de décision. C’était pourtant l’esprit de la décentralisation des « années Mitterrand », que de raccourcir les circuits de décision, pour générer plus de démocratie ainsi que plus d’efficacité dans la mise en œuvre des politiques publiques. Apparemment, ce n’est plus cette philosophie qui prévaut aujourd’hui. Sur la méthode, comme sur le fond, on assiste à une recentralisation qui ne dit pas son nom, mais qui apparait bien comme une réalité.
Le processus avait commencé sous le régime de Sarkozy avec la loi de décembre 2010, qui s’est traduite par la suppression presqu’intégrale de toute autonomie des régions, quant à la fixation de leurs propres ressources. Il n’existe depuis 2010 pratiquement plus de fiscalité régionale. Pour plus de 90 %, les dotations de l’Etat restent les seules ressources des régions. Les transferts de charges de fonctionnement dont les gouvernements successifs de gauche comme de droite, ont voulu se débarrasser plombent lourdement les finances des régions. Autant dire qu’elles n’ont pratiquement plus de marges pour agir.
Resterait-il aux régions quelques compétences exclusives ? On pense au développement économique ou à l’aménagement du territoire. Force est de constater qu’au fil du débat parlementaire en cours, ce sont les métropoles qui se voient confier la part du lion. Les départements qui devraient disparaitre, se trouvent confortés.
Depuis les grandes lois de décentralisation de 1982, l’idée s’était peu à peu imposée que l’échelon régional était le plus pertinent pour mettre en forme les politiques publiques. Car il restait suffisamment proche des citoyens pour être identifiable et accessible, tout en étant suffisamment large pour être structurant. Mais le chambardement de la carte des régions a complètement cassé leur identité, et la loi en cours d’élaboration n’a rien simplifié dans le mille feuille territorial…
La concrétisation sur le terrain des engagements pris par F. Hollande, dans les premières semaines de son mandat, aurait pu donner à la décentralisation un souffle nouveau. La réalité des actes est malheureusement à l’opposé de ce que les citoyens attendaient. Lors des prochaines semaines et des prochains mois, le retour du boomerang risque d’être terrible.