L'importance de l'adaptation territorial
Alors que le monde se réchauffe déjà de 1,1 °C par rapport à la moyenne préindustrielle, l'Europe se réchauffe plus rapidement : l'Agence européenne pour l'environnement estime que les températures terrestres ont augmenté de plus de 2 °C. Le GIEC note que les effets des risques combinés du réchauffement et des précipitations sont devenus plus fréquents et identifie quatre risques clés pour le continent : la mortalité, la morbidité et les changements dans les écosystèmes dus à la chaleur ; le stress dû à la chaleur et à la sécheresse sur les cultures ; la pénurie d'eau ; et les inondations et l'élévation du niveau de la mer. Dans ce contexte, la nécessité d'adapter le continent aux effets du changement climatique est plus urgente que jamais.
L'adaptation, définie comme « le processus d'ajustement au climat réel ou prévu et à ses effets, afin d'atténuer les dommages ou d'exploiter les opportunités bénéfiques », est basée sur les risques et les vulnérabilités d'une zone donnée. Elle est ancrée localement ou « basée sur le lieu », en ce sens qu'elle dépend des caractéristiques climatiques, géographiques, socio-économiques et même politiques d'un lieu. C'est là que réside l'importance de la planification, de la coordination et de la mise en œuvre des mesures d'adaptation au niveau des autorités régionales et locales.
La Stratégie européenne
La Stratégie européenne d'adaptation actuelle établit un cadre qui prend en compte les niveaux européen, national, régional et local, en s'appuyant sur les exigences incluses dans la loi européenne sur le climat de 2021 et le règlement sur la gouvernance de l'Union de l'énergie et de l'action pour le climat de 2018. L'interprétation de ces trois textes montre les rôles et obligations précis du niveau national, avec un cycle politique bien défini pour l'action climatique en général, et un cycle légèrement plus ambigu pour l'adaptation – où il n'y a pas d'objectifs ou de calendriers contraignants.
Si la stratégie d'adaptation désigne les États membres comme les « principaux partenaires de mise en œuvre », elle appelle à une adaptation plus systémique, en donnant la priorité à l'action locale. La stratégie préconise une meilleure évaluation des risques et encourage les autorités nationales, régionales et locales à poursuivre l'élaboration de stratégies d'adaptation fondées sur les données scientifiques les plus récentes. La délégation aux niveaux sous-nationaux des rôles d'adaptation est presque entièrement du ressort des États membres, et donc très variable. Seuls huit États membres (neuf avec l'entrée en vigueur de la loi allemande sur l'adaptation) ont une approche descendante, dite « top-down », de la politique d'adaptation, dans laquelle les niveaux de gouvernance inférieurs sont légalement tenus d'entreprendre une certaine forme de planification et d'action en matière d'adaptation. Dans les autres pays, l'adaptation sous-nationale est essentiellement ascendante (ou « bottom-up ») et repose sur l'action volontaire des autorités régionales et locales.
La dynamique sous-nationale
L'Agence européenne pour l'environnement note que ces formes souples et collaboratives de pilotage vertical, accompagnées d'une gouvernance de soutien à tous les niveaux, sont beaucoup plus courantes que les approches réglementaires descendantes. Dans ces cas, le soutien des niveaux nationaux comprend des apports politiques, le renforcement des capacités, le financement et le soutien à la participation aux réseaux nationaux et internationaux de collectivités locales.
Les actions volontaires des collectivités locales et régionales sont très souvent canalisées par leur participation à des réseaux et initiatives transnationaux, tels que la Convention des maires ou RegionsAdapt. Une étude sur les plans d'adaptation urbaine en Europe, qui a révélé que la qualité des plans s'améliorait au fil du temps, suggère qu'en dehors des contextes nationaux, le transfert de connaissances entre pairs et le renforcement des capacités par le biais de ces réseaux et initiatives contribuent à l'amélioration de la planification de l'adaptation. La participation des régions européennes à la Mission Adaptation de l'UE est un signe fort de la dynamique volontaire : sur les 301 signataires de la Mission évalués en 2023, 66 % avaient réalisé une évaluation des risques, 80 % avaient mis en place une stratégie d'adaptation, 70 % disposaient d'une personne-ressource ou d'une équipe dédiée à l'adaptation et 66 % disposaient d'un budget régional dédié à l'adaptation.
Le rôle des régions dans le financement de l'adaptation
Le niveau régional – bien que sa définition varie en fonction du niveau de décentralisation et de la structure fédérale des pays – est également essentiel au financement et à la mise en œuvre des politiques d'adaptation, comme l'a souligné l'Observatoire Climate Chance en 2022. Alors que les États membres font état de difficultés à évaluer le coût de l'adaptation et à suivre les flux financiers consacrés à l'adaptation, ceux qui communiquent des éléments quantitatifs mentionnent qu'une grande partie de ces fonds provient de l'UE et que les instruments de financement de l'UE ont contribué à coordonner les politiques d'adaptation.
Il s'agit notamment de financements provenant d'une série d'instruments de l'UE tels que la facilité pour la relance et la résilience, le programme LIFE, Horizon Europe, la politique européenne de cohésion, le Fonds européen de développement régional, le Fonds de cohésion, le Fonds de transition juste et d'autres encore. 20 % des fonds devaient être consacrés à des projets d'atténuation ou d'adaptation entre 2014 et 2020, ce qui représente environ 78 milliards d'euros et près d'un tiers du FEDER. Le cadre financier pluriannuel 2021 - 2027 exige qu'au moins 25 % du budget européen soit consacré à des dépenses liées au climat. Cette structure des décaissements au niveau européen renforce donc le rôle important des régions en tant que déterminants de l'orientation des flux financiers en faveur de l'adaptation.
Ainsi, l'action volontaire des niveaux sous-nationaux reste essentielle pour conduire l'adaptation au climat, en l'absence d'obligations nationales ou européennes. Si la planification progresse, la mise en œuvre des actions nécessite un renforcement des capacités territoriales et une meilleure coordination entre les différents niveaux de gouvernance. Le sommet Climate Chance Europe 2024 qui s'est tenu à Liège a rassemblé des acteurs de tout le continent pour réfléchir à la manière dont les actions territoriales d'adaptation au climat peuvent être renforcées. Les résultats de ces discussions sont synthétisés ici et constituent la base de la Déclaration de Liège, une feuille de route pour les acteurs locaux et non étatiques en Europe en vue de l'adaptation au changement climatique.
Cet article est basé sur une publication récente de l'Observatoire Climate Chance, intitulée « Planification et mise en œuvre de l’adaptation dans l’UE : L’état de l’intégration multiniveau des politiques d’adaptation ». Découvrez la publication ici, et la retransmission de son événement de lancement avec une table ronde d'experts du domaine ici.