«Nous ne pouvons plus être les dernières en tout: les dernières à obtenir des droits, les dernières à être écoutées.» Je l'ai dit avec le cœur en main il y a quelques jours, lors d'une rencontre régionale au Panama, en célébrant une conquête historique: la déclaration de la Décennie Interaméricaine pour les Droits de Toutes les Femmes, Adolescentes et Filles en Milieux Ruraux (2024–2034). Je l'ai dit à haute voix, mais pas seulement pour les personnes présentes. Je l'ai dit pour toutes mes sœurs rurales qui habitent et prennent soin des Andes, des pampas, des plantations de café, des côtes, des vallées et des mers de ce continent.
Cette déclaration, adoptée par l'OEA lors de sa 53ᵉ Assemblée Générale, n'est pas un simple document. C'est la réponse institutionnelle à une lutte semée depuis la base, depuis les racines profondes de la terre que nous cultivons, depuis les mains calleuses de milliers de femmes qui ont soutenu la vie et les territoires même dans des conditions d'oubli et d'injustice. C'est —comme je l'ai également dit— la semence d'une justice qui a longtemps été retardée. Il nous revient maintenant de la faire germer avec des politiques publiques, des ressources concrètes et, surtout, avec la volonté ferme de ceux qui prennent des décisions à tous les niveaux.
Cette victoire n'est pas arrivée du jour au lendemain. L'idée de la Décennie est née en 2012, lorsque nous nous sommes réunies lors de la IIIᵉ Rencontre Latino-Américaine et Caribéenne des Femmes Rurales. Nous étions 270 dirigeantes de 17 pays, et nous avons formulé une exigence claire: que notre contribution historique soit reconnue par des actes, non par des discours vides. Nous, qui avons soutenu la campagne et la vie malgré l'exclusion, méritions cet acte de justice. Et nous n'avons cessé de marcher, d'insister, de nous exprimer. Ainsi, nous l'avons fait fleurir.
La Décennie ne concerne pas seulement les Amériques. C'est un appel au monde entier. Car il n'existe aucun pays sur cette planète où les femmes rurales ne cultivent pas, n'élèvent pas et ne soignent pas, souvent sans salaire ni horaires, pour garantir l'alimentation de leurs communautés. Notre lutte est mondiale. Et cette Décennie doit inspirer des changements réels pour toutes les femmes rurales du monde.
Depuis le Réseau des Femmes Rurales d'Amérique Latine et des Caraïbes (RedLAC), nous avons tissé depuis 1990 un réseau vivant de plus de 250 organisations dans 21 pays. Au fil des années, nous avons dénoncé les injustices structurelles qui nous affectent: l'accès limité à la terre, le manque de crédits, l'exclusion des marchés, la surcharge du travail domestique, la violence, le machisme institutionnel, la dégradation de l'environnement. Nous avons élevé la voix pour l'eau, les forêts, les semences, nos corps, nos filles et nos communautés. Aujourd'hui, cette clameur est enfin reconnue.
Une autre étape importante a été la déclaration du 17 avril comme la Journée Interaméricaine de Toutes les Femmes, Adolescentes et Filles Rurales. Ce ne sera pas une date symbolique de plus. Ce sera, comme je l'ai averti, un jour pour rendre des comptes. Pour mesurer si nous avançons vers une Amérique plus juste, avec nous comme protagonistes du développement.
Depuis cette terre fertile qu'est notre lutte, nous lançons un appel clair et urgent aux États et à tous les niveaux de gouvernement: il ne suffit pas de nous reconnaître. Il est temps d'agir. Nous avons besoin de lois justes, de budgets alloués, d'accès aux services, de respect pour nos savoirs, de protection de nos territoires et, surtout, d'une participation pleine dans les espaces de décision.
Car dans nos champs, nous ne semons pas seulement des aliments. Nous semons la vie, la dignité et l'avenir. Et le cri des femmes rurales n'est pas un écho du passé: c'est le cœur qui bat pour une Amérique Latine plus équitable, plus humaine, et plus nôtre.
Fermes dans nos savoirs, persistantes dans nos droits.