Les régions africaines face aux défis migratoires

"The African Renaissance Monument"
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Mamadou Oury Baïlo Diallo

Président de l’Union des Associations d’Élus Locaux du Sénégal (UAEL)

 

Nous, pouvoirs locaux et régionaux africains, vivons chaque jour, au plus près de nos populations, les effets de la migration. Ce n’est pas pour nous une question lointaine, mais une réalité quotidienne. C’est pourquoi je salue avec enthousiasme l’organisation du Forum des Régions sur les Processus Migratoires, une initiative née au sein d’ORU Fogar, portée par les régions et les collectivités africaines elles-mêmes.

Ce Forum nous offre l’occasion de parler d’un sujet que nous connaissons intimement. La migration représente, pour beaucoup de familles africaines, une tragédie humaine. Mais elle constitue aussi une perte profonde pour nos territoires. Quand nos jeunes partent, surtout les plus formés, nous perdons notre vitalité, notre énergie, notre avenir. On parle souvent de Brain drain — la fuite des cerveaux. Trop souvent, ces jeunes qui quittent le continent pour rejoindre l’Europe se retrouvent à exercer des emplois précaires et sous-qualifiés. C’est un double gaspillage : pour l’Afrique, qui voit partir ses talents, et pour l’Europe, qui n’en tire pas pleinement profit.

Mais nous ne voulons pas regarder cette réalité depuis nos territoires africaines les bras croisés. ORU Fogar nous donne l’opportunité d’un dialogue global, entre régions du Nord et du Sud. Nous savons que l’immigration irrégulière suscite en Europe peur et rejet. Nous voyons avec inquiétude la montée du racisme et de l’intolérance. Et nous savons que nous avons, nous aussi, une responsabilité : celle de prévenir ces situations.

Nous voulons une migration régulée, digne et constructive. Nous voulons que nos compatriotes, une fois en Europe, s’intègrent pleinement à la vie culturelle, sociale et politique des pays et des régions d’accueil. Mais, au-delà de cela, notre plus grande mission est de créer les conditions pour que la migration ne soit plus une nécessité. Cela passe par la création d’emplois en Afrique. C’est là l’impératif majeur.

Je me réjouis de voir qu’ORU Fogar partage cette vision et s’engage concrètement dans cette voie. L’UAEL  soutient ces initiatives qui visent à offrir des perspectives locales aux jeunes, comme le programme « Yakaar, pas Barsakh », qui porte un message d’espoir et de responsabilité. D’autres projets vont dans le même sens, qu’ils viennent de la coopération italienne, des institutions nationales ou des régions comme les Îles Canaries, avec des programmes tels que Tierra Firme, qui misent sur la création d’emplois et le développement territorial.

C’est de tout cela que nous devons parler à Dakar, lors de ce premier Forum des Régions sur les Processus Migratoires. Mais nous ne devons pas en parler de manière abstraite. Nous devons le faire à partir de la réalité concrète des gouvernements régionaux du monde entier. Les élus locaux et régionaux sont ceux qui connaissent le mieux leurs populations, leurs besoins, leurs économies réelles. Ce sont eux qui peuvent transformer la migration en opportunité plutôt qu’en fuite.

À Dakar, nous partagerons des expériences inspirantes. Mais surtout, nous nous engagerons à en promouvoir de nouvelles. Nous devons bâtir ensemble des territoires capables d’offrir à nos jeunes des perspectives chez eux.

Pour cela, j’en appelle à toutes les autorités locales et départementales du Sénégal : impliquez-vous dans ce débat, participez activement à ce Forum, et contribuez à construire une vision africaine de la migration, responsable, solidaire et tournée vers le développement.


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